La naissance de l’écriture

Par LaPlume

Une fois que l'homme a acquis la capacité de créer des objets, de tracer des signes, plus rien n'a pu l’arrêter. C’était un peu comme découvrir le feu une deuxième fois. Comme nous l'avons vu, les peintures rupestres, sont nées d'une nécessité. Il en va de même pour les systèmes d’écritures plus élaborés . C'est sur les rives du Tigre et de l'Euphrate qu'ont été retrouvées les premières traces de ce que certains qualifient de proto-écriture.

Contrat archaïque sumérien concernant la vente d'un champ et d'une maison. Shuruppak, inscription pré-cunéiforme.
Tablette en cunéiforme

L’écriture, un mythe sumérien

La légende veut qu'Enmerkar roi d'Uruk et fils du dieu-soleil Utu (oui rien que ça!) voulu soumettre la cité d'Aratta à son autorité. Au terme de longues et âpres négociations, Enmerkar prononça un discours si long et si profond que le héraut censé répéter ces paroles au roi adverse, faillit tourner de l’œil. Comme guidé par la main de son papounet, le roi qui commençait franchement à perdre patience, façonna une tablette d'argile et commença à graver son message. Il le remit au messager et comme par magie, l’Écriture était née. Et l’arnaque aussi :
Lorsque le roi d'Aratta reçu ce message il ne compris pas mais dit alors que « les mots étaient de (simples) clous ». Traduction : « c'est quoi ce délire ? ». Sauf qu'à l'époque, le mot clou était apparemment le mot de passe pour dire qu'on acceptait un deal. Le roi en prononçant ces paroles, scella son destin et celui de la cité toute entière.

Du calculi à la tablette

Les légendes rendent les choses toujours plus classe, c'est fou! Mais revenons à la réalité. Bien qu'il semble que l’écriture soit apparue de façon simultanée un peu partout au Proche-Orient, c'est bien à Uruk, en Mésopotamie (l'Irak actuel) que l'on trouve les plus anciennes traces de proto-écriture. Cependant, les preuves archéologiques tendent à montrer que l’écriture n'est pas le fruit d'une intervention divine mais d'un besoin bassement humain et pas franchement glamour : celui de compter ses possessions.
C'est l'arrivée de l'agriculture, de l'urbanisation et du commerce qui a poussé les hommes à trouver un moyen de garder une trace des opérations commerciales de plus en plus nombreuses et complexes. Le calcul mental c'est sympa, mais deux minutes et encore !

Des fouilles ont mis au jour des balles renfermant des cônes et jetons d’argile qui servaient vraisemblablement à compter et sceller une transaction : les calculi. Chaque jeton (représentant le nombre de chèvres achetées par exemple) était enfermé dans les balles. En cas de litige il suffisait de briser la bulle d'argile et de compter les jetons. Plus tard, les jetons et les balles étaient gravés du symbole, par exemple, de l'animale acheté ou vendu ainsi que d'un symbole sensé représenter le nombre. C’était un peu lourd à transporter au bout d'un moment vous imaginez bien. Du coup, nos ancêtres sont passés à la tablette. Non, pas la tablette tactile qui coûte un rein de nos jours mais la tablette d'argile sur laquelle on pouvait apposer directement l'empreinte du jeton correspondant au nombre et au type de produits vendus. Vous suivez toujours ? Par la suite, les jetons ont été jetés aux orties. On s'est contenté de graver le symbole et le nombre directement sur une tablette à l'aide d'un roseau.

Le pictogramme ne vaut pas un clou !

C’est ainsi qu'est né un système de communication basé sur des symboles compréhensibles même par delà la cité d'Uruk. A l'aide d'un calame (roseau taillé) on traçait des pictogrammes (représentations concrètes des objets auxquels ils font référence) sur des tablettes d'argile préalablement traitées pour qu'elles ne sèchent pas. On dessinait une tête pour une tête, un oiseau pour un oiseau, un palmier pour un palmier, etc. On pouvait aussi répéter ces signes pour signifier leur nombre ou encore les associer pour former des « phrases ». A la manière d'un rébus.
Si vous avez déjà essayé la sculpture à l'argile, vous savez combien il est fastidieux de lisser un trait. Alors écrire avec un roseau n'en parlons pas. Et pour peu que l'on ait beaucoup de choses à dire, on est vite limité. Les scribes ont alors trouvé une technique plus commode : Au lieu de tracer dans la glaise avec leur stylet, ils en ont imprimé la pointe, façon tampon. C'est la forme du roseau qui donnait un trait net en forme de coin, ou de clou selon ce qu'on a envie de voir. D’où l'histoire de l'arnaque au clou cité plus haut. En parlant des scribes, seule caste capable d’écrire tellement c’était galère, leur fonction principale était la rédaction de documents administratifs et surtout de la correspondance.
Mais revenons à nos moutons. Avec cette technique d'empreinte de calame, la tête de vache gravée est devenue une tête de vache un peu plus abstraite, puis un symbole. L'idée de la vache mais à base de clous. C'est ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d’écriture cunéiforme (cuneus = coin), le premier système d’écriture à notre connaissance. Un système si bien élaboré que bien des civilisations l'ont adopté. Les Akkadiens, les Babyloniens, les Assyriens et même les Égyptiens l'utilisaient pour faciliter les échanges commerciaux ou diplomatiques.

Les simples représentations schématiques ont donc évolué en fonction du support et des outils utilisés par les scribes. Puis, il a fallu se creuser la tête pour retranscrire autre chose que des transactions commerciales. Symboliser une vache était simple, mais dès qu'il s'agissait de représenter Pierre, Paul ou Jaques avec des clous, c’était une autre paire de manches. Plus que les idées, le besoin de retranscrire les sons s'est alors fait sentir.

Sources Livres:

Histoire de l'écriture de Louis-Jean Calvet
Les origines de l'écriture de Collectif (Viviane Alleton, Jaroslaw Maniaczyk, Roland Schaer, Pascal Vernus)

Sources Web:

Wikipedia: Enmerkar et le seigneur d'Aratta
BNF

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